Texte & Photos : Armand rosalie

Certitude et manque de temps font que cette enquête n’a jamais été réalisée, mais si on questionnait un panel de personnes sur le design idéal d’une automobile, alors c’est avec assurance qu’ils vous répondraient ce qui suit. Un coupé, à la ligne fluide, basse, avec un long capot. Amateurs d’automobiles ou non, quatre-vingt pour cent des gens interrogés auraient cette réponse et, peut-être sans le savoir, l’image de la Jaguar E‑type en tête. Idéal du genre ayant inspiré nombre de designers, beaucoup de constructeurs ont repris ces codes pour, à leur tour, créer de beaux coupés dont les formes séduiront la majorité. Cette source d’inspiration stylistique a donc traversé les frontières, et en ouvrant son garage, Michel, aussi heureux propriétaire d’une des œuvres de Sir Lions, me fait découvrir son pendant Japonais.

Alors que la porte grince dans le sous-sol, et que les formes d’une voiture se dessinent sous une couche de draps, Michel lâche « Ah ! Ma madeleine de Proust ». Une parole rassurante, puisque l’heure précédente a été dédiée à l’encensement des autres voitures en sa possession. À force de discussion, notamment autour de la Jaguar fraîchement restaurée, je me suis questionné sur la véracité d’un article sur la Datsun 260Z stationnée dans le garage voisin. Mais, sachant désormais que cette auto provoque une impression de réminiscence sur son propriétaire, il était certain qu’il y avait un lien entre l’homme et la voiture.

Nissan, Datsun ?

Datsun est l’ancien nom de Nissan… Du moins en Europe et aux USA ! Pour ne pas entacher l’image de Nissan en cas d’échec, grande puissance industrielle au Japon, le constructeur choisit d’exporter son produit sous un autre nom.

Le succès de la marque grandissant dans les années 90, notamment après la levée des taxes imposées sur les produits d’importation, le changement fut opéré.

Alors que nous parlons musique, Michel m’expliquant ses projets passés et futurs au sein de son groupe, les six cylindres jouent la partition imposée par les trois carburateurs. Le son est en stéréo, l’admission donne le ton et l’échappement crache la mélodie, et si l’audition d’un accord parfait peut en faire frémir certain, je vous garantis que le passage d’un deuxième rapport à bout de souffle vers une troisième provoque l’émoi.

« Il était certain qu’il y avait un lien entre l’homme et la voiture. »

« Il était certain qu’il y avait un lien entre l’homme et la voiture. »

« J’étais fils unique, alors on peut dire que dans la famille il y avait ma mère, mon père, la Datsun et moi. » Ce sont les mots de Michel pour introduire l’histoire de cette voiture de famille, et il n’y a certainement pas plus touchant. C’est en ’79 que son père songe à remplacer sa Granada V6. Batteur dans un groupe, il lui fallait une automobile pouvant transporter son volumineux instrument de musique. Alors que sa maman souhaitait une petite voiture sympathique, il se rendit voir une Rover. Rien à voir avec les recommandations de sa femme. Prêt à signer le bon de commande, c’est alors son fils qui, du haut de ses neuf ans, lui fit remarquer que la voiture neuve commençait déjà à rouiller… Seulement quelques semaines plus tard, au hasard d’un trajet passant par l’Avenue des Vosges, à Strasbourg, que la famille tomba sous le charme de ce coupé, en vitrine de la concession Datsun. Peu importe comment, la grosse caisse et les cymbales rentreront sous la glace du hayon, le charme opéra immédiatement.

Cette après-midi à se promener avec la 260Z fût plutôt un bon moment d’échange qu’une séance photo. Les histoires d’arsouilles dans les cols Vosgiens en F355 qui font rêver, notre arrêt sur la bande d’arrêt d’urgence pour aider un type en panne avec sa Cox modifiée, font que l’on repart forcément de chez Michel avec une petite boule au ventre. On aimerait que ça dure un peu plus longtemps. Rencontré au détour d’un rassemblement mensuel, il m’a premièrement étonné par sa simplicité, son ouverture d’esprit et son amour pour les bonnes choses. Alors que nous nous apprêtons à garer la Datsun, je libère la place de la japonaise en sortant ma Série 3 du box : « J’ai l’impression d’être il y a trente ans en arrière, quand j’avais la même. » me lance-t-il. L’automobile n’est-elle pas une sorte de boucle temporelle dont le partage serait le nœud fermant de la boucle ?