Texte : Hugo Cappa / Pierre Rovera Photos : Hugo Cappa

C’est bien connu, les amateurs de véhicules anciens sont souvent un peu aventuriers sur les bords. Et quelle meilleure aventure que de partir sur un coup de tête, sans réelle idée de la destination ou de la route à emprunter, le tout avec un véhicule loin d’être adapté à la situation ? C’est ce que nous avons entrepris. Nous voilà, deux grands enfants, mon ami Pierre et moi, avec comme monture le Pirokee. Ce véhicule au surnom inspiré par le nom du garage de mon ami n’est autre qu’un Jeep Cherokee XJ Turbodiesel de 1991, usé par des années de dur labeur, dont les quatre-vingt-six chevaux s’apprêtent à partir le plus loin possible vers le sud de l’Europe.

Trois jours avant notre départ nous changeons l’embrayage, et nous allons récupérer un coffre de toit. Ce dernier sera des nôtres, embarquant le matériel mécanique nécessaire : cric, liquide de refroidissement, batterie, huile, jerrycan d’essence, caisse à outils… Mieux vaut être prévoyant avant de partir faire plusieurs centaines de kilomètres avec une voiture de vingt-huit ans, qui, de surcroît, n’a pas quitté la périphérie de Strasbourg depuis sa venue au garage. On fait le tour du 4×4, on vérifie les niveaux et tout ce qu’il faut pour être un minimum sereins.

La veille du départ, alors que je me rends de nouveau au garage, je m’aperçois que le Cherokee a eu le droit à une corde sur le pare buffle et un sticker Liquid Moly au dessus de la calandre. Avec ces accessoires porte bonheur, il ne pouvait rien nous arriver… Nous partons faire les courses, moment important et contraignant puisque nous ne pouvons rien conserver au frais. Il faut éviter ce qui doit se consommer trop rapidement. Le caddy se remplit avec beaucoup de conserves, des gâteaux apéros, de quoi faire des sandwichs, des céréales, et des pâtes chinoises. Ensuite vient le temps de charger les affaires de camping, matelas gonflables, couettes, duvets, bidons d’eau pour se laver, vêtements, le nécessaire pour cuisiner et se faire un feu au besoin, table pliante, appareil photo, batterie externe et du papier toilette, parce que l’idée du road-trip est de ne pas prévoir nos destinations. 

 

06h47, Départ de Strasbourg. Nous passons sur une balance dans la zone portuaire, pour se faire une idée du poids total du Jeep : 1900 kg. Le ciel est couvert mais la pluie est absente, nous nous fixons comme objectif de ne pas être trop loin des Alpes ce soir. Tranquillement, nous empruntons les routes menant à Titisee, et une fois là-bas on tourne trois fois autour de la ville avant de repartir dans le bon sens… Ça commence bien ! L’itinéraire est composé de villes ou de lieux de passage plus ou moins grands, mais surtout sans aucune autoroute. 

La pluie fait son apparition alors que nous approchons de Lucerne, à travers quelques forêts et petites routes. Une fois arrivés dans la ville, nous apprécions son lac, son architecture typique mais aussi moderne, son quartier rempli de maisons d’architectes plus dingues les unes que les autres, et sûrement avec des garages bien fournis ! Les lacs, ce n’est pas ce qu’il manque dans cette région, et à chaque fois, on en prend plein les yeux. Alors, sous prétexte que le Cherokee a bien le droit de faire une pause, nous contemplons la vue tous les trois. 

Aux pieds des Alpes, nous roulons en direction du col de la Furka et son hôtel mythique. La pluie est de plus en plus présente et pour ne rien arranger les premiers problèmes font leur apparition. La température moteur augmente et de la fumée sort du capot dès que la voiture est à l’arrêt. Il est temps d’ouvrir le capot et d’analyser. Le problème vient du bocal de liquide de refroidissement, la durite est gonflée. Nous faisons l’appoint de liquide, et nous attendons que la température baisse, toujours sous la pluie. 

Après cette première péripétie, nous voilà dans l’ascension du col, qui nous réserve un brouillard épais et des routes dignes d’un film de science fiction. De plus en plus de fumée à cause de la pression de la durite de refroidissement s’échappe de l’avant du 4×4, mais nous en prenons plein les yeux ! On croise très peu de voitures, et nous multiplions les arrêts. Heureusement, l’ambiance offerte par les Alpes mêlées au brouillard est à peine croyable.

« À chaque fois, on en prend plein les yeux. Alors, sous prétexte que le Cherokee a bien le droit de faire une pause, nous contemplons la vue tous les trois. » 

Le brouillard se disperse, et nous arrivons en haut du Grimsel (2164 m) avant de redescendre pour remonter vers l’hôtel du Belvédère. Ce lieu est magique, le temps le sublime et c’est après une longue série de virages que nous stationnons la Jeep devant le bâtiment ! Impossible de regretter cette journée de route. C’est incroyable, la vue sur la vallée est impressionnante et l’hôtel rend le tout digne d’un film.

La nuit tombe, on prend quelques photos sous la pluie avant de continuer un peu plus loin pour se trouver un endroit où dormir. Avec la pluie et la nuit, il est difficile de savoir comment se garer sans être au bord de la route. On monte une petite colline sur 20 mètres, en pente mais à l’écart de la route et nous préparons le lit de façon désordonnée, pour rester au sec au vue de la pluie qui s’infiltre dans le Cherokee. Une fois le repas terminé, nous allons nous coucher. 

Le soleil fait office de réveil, à travers les vagues de nuages qui traversent les montagnes. Il fait froid et nos pieds sont glacés, mais on a devant nous l’opposé du temps d’hier. Il fait plus chaud, et la pluie a laissé sa place au beau temps. À peine le temps de ranger nos affaire pour repartir, que nous nous apercevons que la voiture ne veut pas démarrer. Cela vient de la batterie. Heureusement, nous en avons une de secours qui nous permet de booster celle en place. Un café s’impose, et c’est au pied de l’hôtel du Belvédère que nous le consommons.

Nous partons en direction de Andermatt pour ce deuxième jour de route. C’est vraiment un village sympathique, pas très grand mais très typique ! On continue notre route, avec encore de la fumée. Mais ce coup-ci, au moment d’ouvrir le capot, une grosse explosion survient. Il y a du liquide de refroidissement sur 3 mètres de haut. Comme si de rien n’était, nous préférons observer encore une fois le paysage, et prendre quelques photos, pour une fois de plus le laisser refroidir, et refaire les niveaux. 

Le soir, nous trouvons au bout d’un chemin de forêt un endroit pour y passer la nuit. Pietro commence à démonter le frein qui s’est grippé durant la journée, nous devons purger le circuit. Pendant ce temps j’improvise une douche sous une souche de bois. Il faut aussi faire le plein d’eau en bas du ravin. Au moment de récupérer l’eau que l’on faisait chauffer à la chaleur du moteur, nous nous rendons compte qu’on a perdu le bouchon du vase d’expansion. Encore une mission avant de dormir, il faut en improviser un nouveau.

En ce nouveau jour, il faut repartir tôt car nous allons devoir rouler doucement en attaquant dans du dénivelé. Les freins sont à nouveau grippés, ça va être long. Nous arrivons au pied du Stelvio par le village de Santa Maria, très beau. Les premières routes sont déjà très sinueuses et vraiment belles. Mais nous n’oublions pas pour autant nos problèmes moteur. On entame donc cette pente à une faible vitesse tout en faisant des pauses.

Le lendemain, nous attaquons la journée en réglant le problème de l’alternateur qui fait un bruit pas possible, chose difficile rendue complexe quand on est au milieu de nulle part. Cap vers la vallée italienne jusqu’à Venise une fois le souci réglé. Nous nous baladons à pied jusqu’à la place St Marc, c’est quelque chose à voir une fois dans sa vie.

Avant la nuit, nous arrivons sur la côte balnéaire de Lido de Jesolo : moment rêvé pour se baigner. Après avoir dormi deux jours dans la Jeep mouillée, le confort de l’eau méditerranéenne n’est pas négligeable.

Nous traversons rapidement la Slovénie, où on en profite pour faire le plein de liquide de refroidissement, ayant déjà vidé les réserves d’eau prélevées dans des cours d’eaux alpins pour refroidir le moteur. Puis nous arrivons en Croatie. C’est un très beau pays, dépaysant. À Rijeka, nous décidons que ce sera notre point de retour.

On fait encore quelques kilomètres plus loin pour trouver un hôtel, histoire de prendre une vraie douche au bout de 4 jours de toilette de chat. Un brin de confort qui fait du bien, et à moindre coût. On se rend compte qu’il y a de nombreux chantiers de démantèlement de bateaux de guerre et de transports aux alentours. Mais l’ambiance est là !

On repasse par la Slovénie pour arriver ensuite en Autriche, direction Vienne ! Sur le trajet, nous passons par le village de Spielberg et son circuit, le Redbull Ring. Nous entrons dans l’enceinte du complexe avec le Cherokee, et nous nous garons sur un parking où se trouve un club BMW M.

Vienne est une ville pleine de charme et très typique. Nous faisons donc une pause, les bâtiments sont magnifiques, les calèches circulant dans le centre donnent un charme certain !  C’est un parfait mix entre modernité et ancienneté, preuve en est avec son vieux tramway.

Le soir, nous sortons de la ville pour trouver une clairière où nous passons la nuit, il n’y a personne autour et nous avons le droit à un magnifique coucher de soleil.

Direction Munich pour ces deux derniers jours de road-trip. Passage obligé, nous visitons le musée BMW ainsi que le Welt. Un très bel endroit, avec de belles pièces de collection à l’intérieur. On en profite aussi pour visiter la ville, à bord de notre vaillant compagnon de route.. Mais nous nous faisons arrêter, les véhicules diesel sont interdits en ville.

Et nous voilà à présent de retour pour Strasbourg au bout de 10 jours et 3000 kilomètres à travers 7 pays, des litres d’eaux et de liquide de refroidissements, de -10 à 40°. Quelle aventure !