Texte & Photos : Simon Laufer

Furka, Gothard, Oberalp…que des noms évocateurs. Ces différents cols ont comme point commun de couronner un petit village des Alpes suisses, Andermatt. Ce lieu bucolique, niché dans les hautes sphères de l’Europe, à l’écart de toute activité humaine, accueille une fois par année le « supercar owners circle ». Le calme alpin est alors soudainement déchiré par le rugissement d’automobiles d’anthologie. Le temps d’un week-end la faune se retourne et lève les yeux vers les cimes du continent en se demandant quelle tempête s’y prépare.

Vendredi, départ matinal pour les massifs uranais. Après 3 heures de route, dans notre brave MX5 (NA), nous arrivons à Andermatt. L’organisation a réservé l’entier du Chedi, un des plus bel hôtel de Suisse, pour leurs membres. Ça annonce la couleur. Mais c’est en nous dirigeant vers le parking des participants que nous nous rendons compte de l’ampleur de l’événement. 911 GT1, One-77, D-Type, F40 LM, EB110, 250SWB, F50…etc. la liste n’en finit pas.

L’événement se déroula sur trois jours. Au planning, sortie sur le col de la Furka, puis le Gothard suivit de « drag races » sur un aéroport désaffecté, quelques présentations privées, puis sortie sur le col de l’Oberalp. Tout un programme !

À ce stade il est utile de préciser que les cols cités précédemment étaient privatisés lors du passage des participants. Cela implique le retrait des limitations de vitesse, la fermeture du col aux autres automobilistes et l’usage autorisé de véhicules non-homologués pour la route. En somme, les plus belles routes du monde sans restriction, le rêve absolu de tout un chacun.

En somme, les plus belles routes du monde sans restriction, le rêve absolu de tout un chacun.

En somme, les plus belles routes du monde sans restriction, le rêve absolu de tout un chacun.

Sur les cols, nous attendions les différents passages des participants. Perchés sur les pics rocheux, cajolés par l’air frais de la montagne et l’écho de quelques marmottes. Alors que la brume commençait à se former un bourdonnement en provenance de la vallée nous vint. Notre excitation s’élevait à mesure que le bruit s’intensifiait. A l’image de la chevauchée des Walkyries, nous pouvions observer le convoi, au loin, plonger dans les têtes d’épingle avant d’en ressortir plein régime. Le prélude se transforma alors rapidement en symphonie, 100, 140, 160kmh… Les voitures passaient juste à côté de nous sans même pouvoir nous distinguer. Cette ascension infernale, accordée aux tons du Dies iræ (celui de verdi), nous vrillait les tympans. Les G63 de l’équipe, encadrant le convoi, étaient poussés à leurs limites absolues. En lignes droites comme en sorties de virages, l’orchestre mécanique était entrecoupé par le crissement des pneus à l’agonie. 50, 60 voitures… Le temps d’un instant nous étions coupés du monde. Puis, comme il était arrivé, le convoi disparut, englouti par la brume. La nature se réveilla, les marmottes émergèrent de leurs trous et nous pûmes reprendre notre souffle.

L’aérodrome désaffecté, de l’autre côté du Gothard, faisait près de 2 kilomètres de long. Idéal pour rouler à tombeau ouvert et atteindre des vitesses dérisoires. Ce fut l’occasion d’observer la rivalité entre les grands noms de l’automobile, CTR3 et EB110, 918 et Chiron, 300SL et D-Type…etc. Le tout bercé par un tonnerre aux vocalises mécaniques. J’avoue avoir été particulièrement impressionné par le boucan produit par les 250SWB et C-Type… quelles voitures ! Les Koenigsegg, Pagani et autres Lamborghini étaient aussi très impressionnantes, évidemment. J’entrevoyais au travers de la foule une LaFerrari entamer un « burn out » sur une cinquantaine de mètres avant de laisser mon regard dériver sur le fond de la piste où les propriétaires d’anciennes s’étaient retrouvés pour discuter.

Je pouvais voir certains participants essayer de remonter les files pour courser une voiture en particulier, des centaines de « carspotters » fébriles s’amenuiser vers le bout de la piste pour ne pas rater le départ des courses. Je me promenais dans un océan aux couleurs et formes diverses. Ailerons, spoilers, porte-ski, « shark fin », phares additionnels…etc. Tout une armada d’attirails exotiques.

Il se dégageait de cet ancien aéroport militaire une énergie totalement unique. Mélange de folie pour les courbes mécaniques et d’émerveillement face au ronronnement de ces machines. On pouvait encore deviner les F/A-18 s’engager à plein régime sur la piste. Quelle ambiance !

Chaque chapitre de cet événement était ponctué de pause ici et là. L’occasion parfaite pour retrouver des amis ayant aussi fait le déplacement. Petit tour sur un col, moment repos à l’appartement, retrouvailles autour d’une table dans un restaurant du coin. Plus que simplement s’enthousiasmer devant des voitures, c’est l’occasion de reprendre contact avec de bonnes connaissances, dans un milieu atypique.

En parlant de connaissances, peut-être que l’un des points moins rayonnant lors de ce weekend était l’inévitable présence d’un immense public. Rien de dramatique, loin de là. Je concède cependant préférer participer à un événement d’une moindre envergure dans des conditions un peu plus « intimistes », si utopiques soient-elles. Le SOC qui se voulait initialement être une simple « sortie entre ami », adopte à certains égards un côté « show-off », un peu surfait. Si la plupart des participants haussent l’allure sur les cols, d’autres préfèrent poser devant les caméras. Un peu dommage. Je me demande d’ailleurs si le système de convois fermés est la meilleure solution pour profiter de ces routes sans restriction. Peu importe.

« A l’image de la chevauchée des Walkyries, nous pouvions observer le convoi, au loin, plonger dans les têtes d’épingle avant d’en ressortir plein régime. »

Le weekend avance, les participants multiplient les allées et retours sur les cols en festoyant, les marmottes désertent la vallée pour de bon et l’événement commence à entrevoir sa fin. Juste avant de quitter le bassin uranais nous décidons de faire un dernier tour sur l’iconique Tremola, ancien col pavé venant à bout de 300 mètres de dénivelé en une vingtaine de virages, autrefois toit de l’Europe. Nous tombons alors sur une F40 LM, F50 jaune et Enzo venues pour y faire quelques photos. Les cyclistes curieux s’arrêtent et les automobilistes amusés baissent leurs fenêtres. Conclusion digne d’un événement de tous les superlatifs.

C’est l’heure de quitter les pics rocheux pour rejoindre la vallée. Nos vies allaient pouvoir reprendre leur train et les marmottes récupérer leurs montagnes. Mais en entamant notre descente, je me surpris à sourire en discernant encore un écho résonner dans la montagne.