
Je vous présente ici un pote de longue date, Thomas. C’est en fin d’après-midi qu’on se donne rendez-vous dans sa nouvelle baraque encore en travaux, située à Blandain, en Belgique. Revêtu de ses fringues de travaux, rouleau à la main maculé de peinture blanche, il attaque la première couche tout en se livrant. Son intérêt pour les bécanes a débuté aux côtés de son père, lors de balades interminables en VTT. Il nous explique ce qui l’a amené à customiser sa bécane, une Honda CB 750 K, dénichée sur Leboncoin à l’époque. C’est dans le garage de ses parents qu’il l’a custom au compte goutte de ses économies, pendant plus de 5 ans ! Autant vous dire qu’il n’a rien lâché.
« Les meilleurs souvenirs sont parfois ceux que nous ne contrôlons pas »
Mais revenons quelques jours en arrière. Originaire de Lille, j’habite à Paris depuis quelques années. Il fallait qu’on trouve le bon créneau pour passer à l’action ! J’ai pour habitude de rentrer une fois par mois. En général, je blinde mon week-end pour capter autant les potes que la famille. Après 3 jours et 3 soirées mouvementées, la fatigue finit par se faire ressentir. Mais il n’est pas question de décaler cette session !
C’est aux alentours de 8h30 que Thomas et Tristan me rejoignent. On s’enfile un café et roule ma poule ! J’embarque dans l’auto, sur le siège co-pilote, pendant que Thomas s’équipe tout en faisant ronronner sa beauté.
Quelques minutes plus tard, nous voilà arrivés à l’entrée de Lille, on se dirige dans le quartier d’affaire. Disons que c’est la Défense de chez nous. La météo n’est pas vraiment au rendez-vous mais je me fais pas de bile. Au contraire, une légère brume matinale s’installe et laisse place à une atmosphère printanière.
« Retour en enfance »
Sa passion pour les bécanes, Thomas pense l’avoir développée très petit. Il devait avoir deux ans et avait déjà retiré les petites roulettes de son vélo. La marque ? Il s’en souvient plus mais c’était un vélo à grosses roues.
Son père, c’était un grand amateur de VTT. Il passait des heures et des heures à préparer ses itinéraires. Il n’y avait pas de GPS à l’époque. Pendant son enfance, ils ont passé des milliers de kilomètres ensemble. “Le physique suivait à l’époque. J’ai bien dit à l’époque ? Putain, ouais c’est clair.”
“J’ai toujours eu besoin de liberté. À 12/13 ans, c’était plus fort que moi, il fallait que je m’évade, que je sorte de ma bulle parentale. J’enviais les plus âgés que moi à la sortie du collège. On commence à vouloir être indépendant, voir ses potes quand on le souhaite. Le vélo répondait parfaitement à ce besoin.”
À 15 ans, ses parents lui achète son premier scooter : un Spirit Yamaha. “Un booster mon gars ! C’était la guerre contre les Stunts.”
Au démarrage, il n’avait pas assez de puissance. Thomas décide alors de le booster comme jamais et installe un Kit 80, un pot d’échappement Conti, un vario, un carbu, un embrayage, etc. Bref, la totale.
Il a pas fait long feu. Volé lors d’une soirée.
“Je me suis senti à poil. J’avais une liberté de dingue. Je passais mes journées dessus sans voir les kilomètres défiler. Du jour au lendemain, me revoilà piéton. Dépité.”
À 16 ans, il a assez d’économie et investit dans une Beta RR 50, monté Super Motard. Là, c’est le graal. Le rodage se passe bien, mais il est vraiment impatient à l’idée de lâcher les gaz ! Une fois terminé, il compte bien détenir son propre record. Dans le creux du mini tunnel, boulevard de la Liberté, il inscrit 104 km/h sur le compteur ! Pour son âge, il avait l’impression d’être un pilote hors pair.
“Moins d’un an après, je me claque. Soleil levant. Brevet en plâtre. Ça me rendait dingue de voir mes potes qui roulent avec leurs scooters et mobs. Je voulais passer outre de mes fractures. Pas questions d’arrêter la bécane ! Je l’envoie en réparation.”
Quelques mois plus tard, c’est reparti pour un crash qui l’emmène aux urgences : pas de souvenirs, amnésie due au choc. “Un enfoiré m’a grillé la priorité. Traumatisme crânien et commotion cérébrale. J’étais au plus bas.”
À sa grande surprise, il a le droit à une nouvelle avec le pognon de l’assurance. La même, en orange. Elle déboîte !
À 18 ans, il passe son permis voiture. Excité, il investit rapidement dans une 125-YZ pour aller faire l’idiot avec les potes à Loon Plage, Comine, Wingles.
“Je me suis vite rendu compte que c’était pas fait pour moi. Trop d’entretien et de pognon à investir. Je bossais pas encore. Pour être franc, j’étais pas assez motivé à l’idée de me lever en gueule de bois à 6h du mat’.”
Quelques années plus tard, c’est en feuilletant un magazine qu’il tombe sur un café-racer. Un déclic se fait ressentir.
“Ça a vraiment de la gueule. J’ai trop kiffé. Wrench Monkees, un préparateur Danois. Ils affichaient toutes leurs bécanes, j’étais fou. Je voulais avoir la mienne, celle qui me correspond.”
En tout et pout tout, il aura passé 5 à 6 ans pour peaufiner sa bécane. “Elle s’est faite petit à petit. Je n’avais pas vraiment de connaissances. J’ai passé des centaines d’heures sur internet pour trouver les fournisseurs, dénicher LA pièce et le prix.”
Il avait beau avoir le meilleur outil qui soit, il n’avait pas les base et a dû tout apprendre sur le tas. Il se rappelle même s’être fait aider par un type de son quartier, un soudeur qui travaillait pour de la tuyauterie industrielle. Bref, rien à voir avec le mécanisme d’une moto.
“Il soudait un truc, puis s’arrêtait, puis revenait un mois après… C’était une connaissance éloignée. Il fallait le faire ensemble pour que ça avance. Faut dire qu’on faisait ça dans le garage de mes parents. Un sacré bordel dans un 12m2. Les VTT entassés, d’autres accrochés au mur. Les maquettes de mon père qui s’accumulent. Les équipements d’équitation de ma sœur. Je le comprends maintenant le gaillard, je n’y aurai pas remis un pied non plus.”
Depuis ce shooting, Thomas a repris goût à cet air de liberté que lui procure sa moto. Autant vous dire qu’il compte bien en découdre cet été ! Dans leur future maison, il souhaite même aménager un atelier garage spécialement dédiée à sa bécane. Si vous êtes de passage dans le Nord, peut-être que vous l’entendrez ronronner sur les pavés du Vieux Lille.