Il y a certains monuments automobiles qui mettent tout le monde d’accord ! Sans même pouvoir essayer leur efficacité mythique, nous donnons toute confiance à ceux qui le font pour nous. C’est ainsi depuis toujours, les légendes mécaniques se fondent sur le témoignage de ceux qui ont le privilège de pouvoir les vérifier. Seulement, quelques questions adolescentes élémentaires subsistent lorsque l’on s’égare sur les résumés de rallyes d’époque mal numérisés. Que se passe t’il si je colle le pied dedans comme Kankkunen ? Qu’en-est-il du fameux turbo lag des années 80 ? Si c’était la mienne, l’ornerais je d’un apparat martini complet et d’une bonne grosse série de longues portées ? 

Tout ce charabia de nerd automobile refait donc surface alors que l’on ausculte le petit scarabée rouge feu qui ronronne discrètement sur un petit bout de départementale pavée déserte en plein milieu de l’hiver. Ce tronçon, tout le monde le connaît dans le coin. C’est « l’enfer du Nord », une des multiples portions du fameux Paris-Roubaix. 

Un gabarit ramassé, vissé au bitume, des lignes tendues, un design clairement cubique, viril même. Giugiaro ne s’est pas trompé, on va faire efficace mais en aucun cas ça ne manquera de personnalité. Là dedans, on y glisse subtilement un gros 4 cylindres suralimenté rentré au chausse-pied avec une transmission intégrale 50/50 et voilà comment on traumatise toute une génération de passionnés d’automobile.

Nelson, son propriétaire, tient un garage de restauration sur la côte d’Opale et ce genre de bagnole c’est exactement ce qui le passionne ! C’est brutal, direct, sans compromis… la voiture est collée au sol et la moindre imperfection sur la route vous rappelle dangereusement que votre colonne vertébrale n’est malheureusement pas en titane…

Alors que les doigts se glacent sur nos vieilleries argentiques, Nelson reconnaît le terrain tranquillement et tente quelques passages en essayant de trouver la meilleure trajectoire possible entre les multiples nids de poules de cette route maudite. La petite Delta se met alors à danser, solide sur ses appuis, avant de disparaître sous un épais brouillard. 

Seulement voilà… Première réponse à nos interrogations puériles : N’est pas Kankkunen qui veut… Au détour d’un énième passage, la boite touche le pavé et la voiture se retrouve immobilisée. Impossible alors de passer les rapports, impossible également de réparer sur place… Après une bonne heure d’attente, les phares de la dépanneuse percent enfin l’épaisse brume. Tétanisée par le vent glacial qui ne lui rappelle définitivement pas ses terres d’origine, la petite Delta se hisse lentement sur le plateau alors que la nuit termine de tomber sur les Flandres.

Ce ne sera pas pour cette fois, on l’accepte quand on signe… Une Italienne de renom est sujette aux caprices des plus grandes divas. Mieux vaut s’armer de patience alors. Seulement, le jour où elle daigne fonctionner correctement, c’est le pied mon pote… et même si il n’est pas aussi lourd et assuré que celui de Kankkunen, ça vaut son pesant de sensations. On reviendra tenter le coup, c’est sûr… mais en attendant de le voir orner ma future Lancia, pourquoi pas se le jeter en terrasse ce petit Blanco bien frais ? Ça nous donnera la fausse bonne excuse de parler métaphysique ou… bagnole à tout hasard.