Texte : Armand Rosalie

Pour les gourmands, la merguez est une petite saucisse à base de bœuf, de mouton, et fortement pimentée. Pour l’amateur d’automobile, c’est une boite-à-roues modifiée de manière discutable, peut-être un peu maquillée… Ce genre de bolide, qui a un peu trop subi le poids des années, est souvent décrié, moqué, jugé. Pourtant, étant amateur de gastronomie estivale et de machines mécaniques, je vais tenter de vous expliquer sans aucune mauvaise foi et avec énormément d’objectivité pourquoi le futur de l’automobile classique réside dans l’achat d’une bonne vieille guez-mer.

Premièrement, et parce que ceux qui jugent à tort la merguez sont souvent plus intéressés par l’argent que la moyenne, parlons grisby. La merguez est un achat malin. Pour profiter de votre rêve automobile, vous l’achetez moins chère, donc vous n’avez pas besoin d’attendre les longs mois d’économie supplémentaires à l’achat d’un exemplaire « état concours ». De plus, comme un compte épargne salarial bloqué, après l’achat vous êtes condamné à garder la voiture (sauf cas d’exception, voir ci-dessous) : vous allez devoir passer du temps et un peu d’argent à la retaper, à rattraper toutes les saloperies des anciens propriétaires : faisceaux refaits avec des dominos, récupérateur d’huile dans une canette de 8-6 ou encore choucroute sur les ailes. Oui la merguez, c’est aussi un mélange des genres, une sorte de sucré-salé. De quoi vous motiver à ne pas laisser le projet en plan. Car oui, la merguez est très souvent bloquée au stade de projet pendant une dizaine d’années.

Deuxièmement, on va poser une hypothèse : une voiture est faite pour rouler et vivre des aventures. La merguez étant souvent un bolide sympathique à conduire, ce serait inopportun de la laisser au garage. Or, soyons honnête : connaissez-vous beaucoup de personnes qui vont rouler sans craintes dans une auto qui sort de la cabine de peinture ? La merguez c’est ça, c’est la vraie vie. C’est manger un Mc Do’ en se fichant de cradotter les sièges, c’est prendre l’aspi’ derrière son pote sur une route en gravier, avant de la planter dans un poteau téléphonique. Tout ça avec le sourire. On s’en fiche, c’est une merguez.

Troisièmement, la merguez accentue le côté vintage. Etant donné que la voiture a subi un marbre, il va de soi que les portes grincent et qu’il faille les claquer. Logique. Ceux à quoi vous répondez « c’est une bagnole allemande, les portes sont lourdes » (la merguez est souvent de firme teutonne). Les nombreuses infiltrations d’eau laissant un doux fumé dans l’habitacle feront dire à tous vos passagers : “hum, j’adore sentir l’odeur des voitures anciennes”. Et ça, faire voyager vos amis dans une capsule temporelle, ça n’a pas de prix !

« La planter dans un poteau téléphonique. Tout ça avec le sourire. On s’en fiche, c’est une merguez. »

Quatrièmement, sauvez votre couple ! Alors que le propriétaire d’un véhicule fraîchement restauré s’ennuiera beaucoup, il achètera toutes les bagatelles possible pour peaufiner son projet. Des petites dépenses injustifiables aux seins d’une relation en compte partagé. L’élu(e) de votre cœur ne comprendra jamais qu’une jalousie de lunette arrière, qu’un robri chromé ou que de nouveaux enjoliveurs soit indispensables. Or, pour sécuriser toutes vos économies, la merguez nécessite de vrais achats utiles, facilement justifiables : l’extincteur sous le siège, fixé directement avec des vis auto perforante dans le plancher n’est pas là pour faire beau : la bagnole peut prendre feu à tout moment ! Souvenez-vous des faisceaux retapés avec des dominos… Et ça, c’est apprécier le goût du risque, c’est l’aventure, c’est ce qu’on demande à une voiture ancienne. 

Enfin, cinquièmement, et contrairement à ce qui est annoncé dans le premier paragraphe, la merguez peut être facilement revendable. Si jamais vous partez dans des projets de vie nécessitant la revente, ou que vous regrettez cette “achat malin”, vous trouverez facilement un acheteur. En effet, depuis 2013, une vague de mode permet de trouver le parfait acheteur, prêt à débourser une jolie petite somme pour la merguez de ses rêves. Si en plus vous avez une ligne d’échappement bouffée par la rouille, le profane sera ravi d’avoir une voiture qui fait un son de DTM. Aidé par des émissions de télévision surfant sur la soi disant facilité de retaper une voiture, la mécanique vintage n’a plus de secret pour le futur propriétaire, confiant face à ce projet. 

Sans conclusion, parce que que cet article est sûrement un peu merguez et que de toute façon je ne le finirai pas, tout comme le projet qui trône dans mon garage, je conclus rapidement par : vive la merguez ! Sauce samouraï chef !