Photos : Yannick Nève Texte : VAGO

Croisé dans l’immensité d’Instagram, Yannick est un jeune passionné de 19 ans qui réalise de beaux clichés de voitures, souvent croisées au hasard dans la rue. Se distinguant par une qualité de photo rare dans son domaine, nous avons décroché nos Skype respectifs pour discuter, et surtout en découvrir un peu plus sur celui qui nous a fait aimer le carspotting.

VAGO – Salut Yannick ! Parait-il que tu es en Autriche ?

Yannick – Salut ! Oui, je suis à coté de Vienne, pour une année d’étude en ERASMUS. C’est joli, et c’est l’idéal pour faire du carspotting !

VAGO – Sur les réseaux, on voit beaucoup de photos de voitures capturées dans la rue, mais les tiennes ont ce petit quelque-chose en plus. Arrives-tu à l’expliquer ?

Yannick – J’essaie de faire en sorte que ça ne ressemble pas à ce que l’on voit partout, en évitant d’avoir une composition remplie de personnes ou des détails gâchant la photo. En fait, je ne choisis pas de prendre une voiture en particulier, mais je cherche un contexte cohérent pour faire en sorte que le décor et la voiture ne fassent qu’un. Je passe aussi du temps à développer mes photos sur Lightroom, avec parfois un passage sur Photoshop afin de retoucher certains détails.

V – De ce fait, il t’arrive de louper des voitures intéressantes ?

Y – Malheureusement, oui, ça arrive. Il n’y a pas longtemps, à Monaco, j’ai vu ma première Porsche 918, elle arrivait lentement, mais il y avait un bus en arrière-plan et c’était très laid. La photo n’était pas exploitable, alors que la voiture était superbe.  

V – Cette difficulté rend l’exercice d’autant plus intéressant ?

Y – C’est ça ! Le hasard prend une grosse place, les conditions ne sont pas toujours réunies et ça ne rend pas comme on voudrait. Ce n’est pas frustrant pour autant, disons que ça fait partie du jeu.

V – Tout à l’heure, tu parlais de Monaco. C’est le paradis pour ce genre de voiture, tu y es allé exprès ?

Y – Ouais avec des potes, que j’ai connus sur Insta et qui font aussi du carspotting. On était dans le même lycée en fait, et on est devenus amis grâce à ça. Nous sommes originaires d’Aix-en-Provence, alors un jour on est partis à 4 dans la Fiesta S d’un pote. Là-bas, on trouve ce que j’aime le plus : des hypercars et de belles anciennes. Elles ont en commun la beauté de leurs lignes, la rareté, et une certaine exclusivité concernant les hypercars. Quand j’en vois une, je suis toujours impressionné, ça provoque l’émoi. C’est comme si on avait mis ce qui se fait de mieux dans une voiture. Les anciennes sont un peu différentes, il y a une âme qui émane de ces caisses, et au-delà de la photo il y a des odeurs et du bruit, c’est vivant.

V – Il y a une série qui nous plaît beaucoup dans un parking. C’était là-bas ? Comment trouves-tu les bagnoles et ce genre de spot ?

Y – C’était aussi à Monaco, oui. On a fait le tour des parkings, en prenant l’heure gratuite (rires). Et dès qu’on trouvait un truc cool on sortait vite le matos, et on shootait. Souvent on tombait sur les caisses par hasard, mais pas pour le cas de la MC12. Pour ces deux autos, on savait où les trouver. C’est un peu comme en Urbex (exploration urbaine ndlr), on se donne des informations par le bouche à oreille.

V – Alors il existe un réseau, des communautés pour échanger ?

Y – Ouais carrément, ça c’est top ! On discute beaucoup en DM sur Insta. En réalité, avant d’y aller, je n’y connaissais rien à propos des spots sur Monaco. Mes potes sont à fond là-dedans, dans l’investigation pour trouver les voitures. Je préfère prendre la photo une fois que la machine est devant moi. On est assez complémentaires, c’est enrichissant. On a créé une sorte de cercle vertueux.

V – Quand vous partez à plusieurs avec tes potes, vous partagez les photos sur un compte commun ?

Y – On a chacun notre compte, et on partage nos photos individuellement car nos styles sont différents. Par contre, je fais partie de @leftlane_circus, c’est une communauté de photographes créée par un Viennois. La page est partagée à un groupe d’une vingtaine de membres qui peuvent tous poster librement. On s’organise avec une conversation WhatsApp. Ce qui est dingue, c’est que ça fonctionne bien : chacun y met du sien et on propose un contenu cohérent, sans trop de redondance. Il y a un côté très humain, comme un groupe de potes alors qu’on est tous éparpillés dans le monde entier. On se donne des conseils, on partage nos photos. C’est génial !

V – En créant des liens comme ça, comment vois-tu la suite ?

Y – J’aimerais pouvoir couvrir des événements pour partager des photos. Il y a un an, j’ai fait un évènement presse pour Opel… Mais c’était un job étudiant, je ramassais des plots et j’agitais des drapeaux pour les participants qui essayaient les voitures (rires). J’ai adoré l’ambiance, il y avait beaucoup d’équipes de TV, des journalistes, et j’ai vu l’organisation de près. J’ai pu essayer la nouvelle Insigna GSI, et aussi son ancêtre, la Commodore GS/E. Ça m’a donné envie d’y retourner, mais de l’autre côté de la barrière ! Ça a duré deux semaines, mais je ne faisais pas encore de photos…

V – Mais du coup, es-tu en train de nous dire que ça fait pas si longtemps que tu prends des photos ?

Y – Eh oui ! Mais je m’y suis mis à fond ! J’apprends en autodidacte, j’expérimente beaucoup. Au début, je ne comprenais rien à Lightroom, j’ai regardé quelques tutos pour réussir à avoir les effets que je voulais. Le style évolue, je me nourris beaucoup de ce que je vois. Aujourd’hui, je fais aussi des photos pour des personnes qui me contactent. C’est aussi sympa, car pour le coup on s’affranchit des contraintes de la photo de rue. On peut placer la voiture comme on veut, quand on veut. La composition est plus aisée et ça laisse plus de place à l’imagination.

V – Quand on a commencé à suivre tes aventures, tu étais à Valenciennes. C’est là-bas que tu as mis les pieds dans le plat ?

Y – C’est là-bas que j’ai commencé, oui. Il y a beaucoup de rassemblements d’anciennes, presque chaque semaine, et j’ai voulu les photographier avec mon téléphone. Il y avait des Countach, Type E, GT40, et l’idée c’était de montrer à mes potes ce que je croisais. Le contraste entre les rassemblements et les voitures tuning qui passaient de temps en temps devant ma fenêtre était assez flagrant (rires). Puis à un moment j’ai eu envie de faire quelque chose de plus travaillé, j’ai mis de l’argent de côté et j’ai acheté du matos.

V – Pour définir ton style aussi rapidement, est-ce que tu as des inspirations particulières ?  

Y – Dans la photo de bagnole, il y a un Français ! Arnaud Taquet, j’adore ce qu’il fait, c’est super propre. C’est le big boss. J’aime le fait que les photos soient sombres. Ca dégage un côté mystique, je ne saurais expliquer, mais le contraste fait ressortir un truc. Ça donne une âme, c’est pas rationnel comme explication, mais j’aime ça ! Il y a aussi Sian Loyson. J’aime bien le style ancien, vintage. Les tons noirs grisonnants, ça rend comme des photos argentiques. C’est des vieilles bagnoles, l’ambiance va avec. On retrouve aussi des tons sombres. Mais à chaque fois les photos sont bien présentées sur Insta. C’est très propre. La mise en page sur les réseaux c’est important, ça donne un effet qualitatif qui donne envie de regarder plus de photos. Dans ce style, il y a aussi Amy Shore, j’aime beaucoup car elle réussit à raconter une histoire avec ce qu’elle fait. On a l’impression d’y être, c’est très humain.

V – Du coup tu as toujours ton reflex avec toi ?

Y – Oui, quand je sors il est souvent avec moi. Par exemple, les photos de la Mini c’était par hasard. (On regardait l’instagram de Yannick en parallèle) Je me promenais, et je tombe dessus. La lumière était cool, la voiture au bon endroit : les conditions étaient réunies ! On ne sait jamais ce qui pourrait arriver. D’ailleurs, ce n’est pas forcément des bagnoles !

V – Ah oui, il t’arrive de prendre d’autres sujets ?

J’aime bien faire un peu d’architecture, tester plein de trucs. J’ai dû créer un autre compte insta, parce que les gens s’en fichent si je ne poste pas de voiture sur mon compte principal. Au début, celui qui m’a donné envie d’acheter un reflex, c’est Evan Ranft. Il fait des vidéos sur YouTube. Son concept est cool : il sort dans la rue avec une GoPro sur la tête, il explique ce qu’il fait pour la prise de vue, à la première personne, puis il traite en direct. Le lendemain tu vois le résultat sur Instagram. Le duo vlog et photo est assez inspirant, c’est carrément pédagogique ! C’est lui qui m’a le plus inspiré, et je le suis depuis le début. C’est marrant, parce que du coup je fais des photos de bagnoles en étant très inspiré par un mec qui n’en prend jamais.

V – As-tu découvert la photo par la voiture, ou tu en faisais déjà avant et tu as transposé ça ?

Y – Oui avec les voitures ! Avant, je m’intéressais à la vidéo, je faisais des montages de skate avec mes potes. Mais en ce moment, je préfère la photo. Dans mes études je fais des courts-métrages, pour la voiture je préfère les photos !

V – Pour finir, ta définition de la VAGO ?

Chacun aura sa définition. Pour moi, la VAGO ce n’est pas juste une voiture. En fait, quand on emploie ce mot on va plus loin que la machine, ça représente la passion, ce qu’on peut vivre avec ! Pour comprendre ce qu’est une VAGO, il faut aimer la bagnole, en fait !